Cambodge

Phnom Penh, la ville de Madame Penh, la ville où les quatre bras du Mékong géant se croisent, puis repartent, où le courant du Tonle Sap, son bel affluent, change de sens, un phénomène unique au monde… Un caprice des Nagas, une étrangeté que l’alternance des périodes, entre saison sèche et saison des moussons, orchestre : crecendo and diminuendo des flux et reflux, au fil des désirata des cieux dans un pays, le Cambodge. Un pays de terre et d’eau, débordant de mystères, de paradoxes, fertile et fier, brisé et debout, cherchant sa place dans ce monde de fou, dont le fleuve mythique et nourricier est le coeur battant, et le lac, pareil à une “mère” intérieure, le corps et l’âme. Mais revenons à Phnom Penh.

Capitale, épicentre bouillonnant, celle d’où, de toute part et depuis quelques centenaires, sont venus s’installer des Khmers issus de toutes les régions, de toutes les provinces avoisinantes. Un bouillon de cultures, polychrome sino-vietnamien, influencé par la France presque un siècle durant, Phnom Penh, appelée longtemps “Perle de l’Asie du Sud-Est”, anéantie mais qui se reconstruit… Elle est différente en tout point de ses capitales voisines, géantes mégalopoles ou simple hameau (clin d’oeil à Ventiane), car malgré son développement effrénée, elle garde encore un charme désuet quand on décide d’y déambuler, de prendre le temps de la découvrir…

Alors, baladons-nous un peu, ici et là

Il y a bien sûr les incontournables comme le Musée National, superbe bâtisse dessinée par l’architecte Français Jean Groslier dans les années 20, qui abrite une importante collection, estimée à 14 000 pièces, même si toutes ne sont pas exposées. On y trouve des objets en bronze datant de la préhistoire, des bijoux anciens, mais aussi un important panel recouvrant l’art statuaire préangkorien et angkorien, bouddhiste et hindou. Comme le palais royal, c’est un havre de paix constitué autour d’un patio et d’un bassin. Sa bibliothèque recèle des trèsors, dont des livres en feuilles de lataniers. Pour l’anecdote, certaines œuvres sont des copies (indiquées) car les originaux se trouvent au Musée Guimée, à Paris.

Le Palais Royal, bien que moins impressionnant que celui de Bangkok, vaut tout de même le détour, entre autre pour le pavillon Napoléon (très anachronique en ces lieux) et surtout la pagode d’argent, conservant les derniers bouddhas miniatures, en or et jade. Cette dernière doit son nom au fait que le sol tout entier est recouvert de plaques en argent massif.

Le Wat Phnom est une autre pagode située au coeur de la capitale, au “sommet” d’une petite colline. Elle est considérée comme l’épicentre et l’origine de la création de Phnom Penh. C’est aussi un lieu de vie et de pèlerinage pour les Cambodgiens venus des provinces de tout le pays.

Malheureusement incontournable, le centre S21, mémorial aussi appelé Toul Sleng, situé dans une ancienne école, fut le centre de torture dirigé par le tristement célèbre Douch, où environ 15 000 personnes furent interrogées avant d’être exécutées au “Killing Field”. Je le déconseille aux âmes sensibles et aux jeunes enfants, mais pour les autres, il permet de comprendre le terrible génocide que le Cambodge a vécu, durant lequel un quart de la population fut exterminée en moins de quatre ans. Les audioguides, en plusieurs langues, dont le français, sont très bien pensés et très pédagogiques.

Plus méconnu car plus récent, le “Musée de la Monnaie”, inauguré en avril 2019, et malgré son nom qui pourrait présager quelque ennui, est tout à fait passionnant. Il retrace l’histoire du Cambodge de l’époque du Funan (du Ier au 7ème siècle) à aujourd’hui. Pédagogique, interactif, ludique, très intelligemment réfléchi, accessible à tous, il offre de nombreuses clefs pour comprendre le Royaume, de sa genèse à sa récente intégration dans le monde “moderne”.

Phnom Penh

Découvrir autrement

Mais Phnom Penh ne se résume heureusement pas à ces quelques lieux, facilement accessibles. Ce que je vous propose dans ce chapitre, c’est une visite plus originale, comme d’aller, aux heures douces de la fin de journée, vous asseoir sur les gradins du Stade Olympique – chef d’oeuvre de l’architecte Vann Molyvan, où Charles de Gaulle fit son célèbre discours en 1966 – quand des centaines de jeunes s’y amusent et pratiquent parfois des sports qui vous surprendront, entre deux fous rires. D’aller vous perdre dans les dizaines de petites allées qui sont des villages dans la ville, où la vie est variée et multicolore. Déambulez dans les dédales du “O’ Russey Market” plutôt que dans celui du Marché Russe, où vous n’irez qu’une heure durant pour acheter quelques souvenirs avant votre départ.

Visitez des galeries d’Art comme celle d’Em Riem ou l’YK Art House, flannez dans le jardin de l’Institut Français ou réservez un diner chez un photographe dont l’appartement est un monde en soi, pour découvrir l’incroyable créativité des jeunes peintres, photographes et sculpteurs qui sont le renouveau de la création contemporaine khmère. Lancez-vous et allez voir un combat de boxe traditionnelle! N’ayez pas peur de vous asseoir dans un troquet pour boire un café glacé (les glaçons sont traités et aseptisés!) ou un jus de canne à sucre frais. Goutez à la street food, délicieuse, peu chère et populaire.

Errez tranquillement dans le vieux quartier français, autour de la poste, dans l’ancienne église accolée à ce temple chinois du XIXème siècle, pas loin de l’enseigne décapie de l’usine Citroën datant du protectorat. Faites-vous rafraîchir la face, Messieurs, chez un barbier qui ne paye pas de mine, et Mesdasme, en l’attendant, offrez-vous un massage chez des aveugles qui sauront très bien voir vos tensions, et les dénouer.

Et puis, il y a les alentours méconnus, mais qui se visitent en une demi-journée ou en une journée, comme l’Île de la Soie, Phnom Chisor ou Tonle Bati. Pour le soir, quoi de mieux qu’un coucher de soleil et un dîner sur un bateau, au fil du Mékong.

Phnom Penh est une capitale à taille humaine qui s’apprivoise. Il faut l’aborder sans a priori, et la parcourir sans peur. Comme toutes les capitales d’Asie du Sud-Est, elle est multiple, imprévisible, odorante, vivante, elle déstabilise par son anarchie organisée, surprend par ses codes décalés, enchante par ses paradoxes. Elle offre aussi un incroyable panel hôtelier pour tous les budgets. Et, où que vous soyez, où que vous alliez, un panel encore plus large de sourires et de gentillesse.

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